Si certains suivent notre blog depuis quelques années, ils se souviendront peut-être de cette anecdote que j’avais déjà partagée : mon quatrième accouchement. C’était à nouveau un accouchement à domicile, sans péridurale, et je savais d’avance que cela pouvait être douloureux.
La douleur de l’accouchement
Tout se déroulait bien jusqu’au moment des fameuses contractions de poussée, là où le bébé commence son passage au travers du col. C’est un processus naturel, ça « pousse tout seul », mais cela ne veut pas dire que c’est facile. En tout cas, pas pour moi.
C’est à ce moment-là que je perds littéralement pied. La douleur est si forte que j’ai l’impression de mourir. Je suis envahie par un sentiment de panique et la peur de ne pas y arriver. Je me sens perdue… Et je résiste ! Je ne m’en rendais pas compte sur le moment, mais je retenais inconsciemment la sortie de mon bébé. Je ralentissais le processus. Comme si la peur de cette douleur me poussait à garder le contrôle.
Ma merveilleuse sage-femme, sur laquelle j’étais appuyée, a alors murmuré à mon oreille : « Laisse glisser… laisse glisser… laisse glisser… ». Ces paroles ont agi instantanément dans mon cœur. Elles m’invitaient à lâcher prise, à accueillir plutôt que de retenir. Et c’est ce que j’ai fait. J’ai cessé de lutter. J’ai accepté la douleur en quelque sorte. J’ai laissé glissé, et ma fille est née très rapidement après.
Comment quelque chose d’aussi beau qu’une naissance peut-il être si douloureux en même temps ?
Quand la vie semble nous submerger
Ce moment est devenu pour moi une métaphore parfaite de ce que je vis encore aujourd’hui dans mon cheminement spirituel. Mourir pour renaître. Accepter d’abandonner pour recevoir. C’est le processus par lequel nous devons passer pour une transformation profonde.
Il y a quelques années, j’avais le sentiment que ma vie semblait sombrer. Les épreuves et soucis s’enchaînaient sans me laisser de répit. J’avais l’impression de me noyer dans un océan sombre. Je me débattais, comme quelqu’un qui lutte pour rester à la surface des vagues. Mais plus je me débattais, plus j’avais le sentiment que je coulais.
À cette époque, un inconnu m’a envoyé un message prophétique, une parole de connaissance où Dieu m’encourageait, comme Il sait si bien le faire. Il y avait entre autres ces mots :
« Dieu t’emmène dans une saison où il veut te faire creuser plus profond. Il élargit ton cœur pour plus. »
Honnêtement, je n’avais pas envie de creuser plus ! Je voulais juste qu’on me tende une bouée et qu’on me sorte de cette tempête. Je n’avais vraiment pas le courage ni l’énergie de creuser plus. Et pourtant…
L’abandon : une mort nécessaire
C’est avec le recul que j’ai compris : Dieu ne m’appuyait pas la tête sous l’eau pour me punir, comme j’ai même pu me l’imaginer à l’époque, en plein désarroi. Il me montrait que pour renaître, il fallait accepter de « couler plus profond ». Mourir à moi-même, à mes illusions, à ce besoin de contrôle enraciné dans mon ego. C’est en acceptant de « mourir » à ces choses que je ne pouvais pas contrôler que j’ai pu commencer à faire l’expérience de la résurrection (qui est bien sûr un chantier toujours en cours dans des domaines de ma vie).
Ce besoin de contrôle est souvent ancré dans nos peurs : peur de souffrir, peur de ne pas être à la hauteur, peur du regard ou du jugement des autres, peur de perdre ce que nous pensons être essentiel à notre vie… Pourtant, c’est dans l’abandon de ces peurs que nous découvrons la Liberté.
Plus nous nous accrochons à nos propres forces, nos propres plans, plus nous limitons ce que Dieu peut faire pour nous. Il ne peut tout simplement pas prendre ce que nous ne voulons pas lâcher.
Comme le dit Jésus dans Matthieu 16:25 :
« Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera. »
Nous avons tendance à vouloir garder notre vie telle qu’elle est, à préserver notre ego, à vouloir éviter la douleur et les pertes. Mais en réalité, cette résistance ne fait que prolonger nos souffrances. Lâcher prise, c’est Lui permettre d’agir pleinement dans notre vie.
« L’âme doit passer par des nuits de souffrance et d’abandon. Ce n’est qu’en mourant à ses attachements qu’elle peut renaître, illuminée par la lumière divine ». Jean de la Croix
Je ne fais pas ici l’apologie de la souffrance, mais elle s’invite dans nos vies et il nous faut bien y faire face. Et assez tristement, ce sont souvent dans ces moments où l’on est perdu, qu’on accepte de s’accrocher un peu plus à Celui qui est la Source de Vie et à lui abandonner tous nos fardeaux. Là où, dans notre faiblesse enfin reconnue et acceptée, Il peut alors nous rendre forts dans l’union à Lui.
Le passage étroit : vers la Lumière
Maintenant, imaginons un bébé lors de l’accouchement : il traverse un passage étroit, il est comprimé, déformé. C’est inconfortable, peut-être même terrifiant. Mais c’est ce passage qui l’amène vers la lumière, vers la première respiration… à la vie ! Nous aussi, nous devons spirituellement traverser des lieux sombres, des « passages étroits ». Comme lorsque le bébé traverse le col, nous sommes nous aussi « étirés » et rendus malléables. Si nous ne comprenons pas toujours le processus sur le moment, nous le réalisons ensuite.
Ce passage étroit du col me fait penser à Matthieu 7:14
« …car étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie, et il y en a peu qui le trouvent. »
Voici un autre parallèle pour aller plus loin, qui fait un rappel à mon précédent article (le passage du Parvis/lieu Saint, vers le Saint des Saints en passant par le voile du Temple). Nous pouvons malheureusement être des « bébés » qui voudront rester toute leur vie dans la sécurité de la poche des eaux, sans jamais Naître vraiment. Nous devons donc d’abord nous retourner comme le fait le bébé dans le ventre, la tête dirigée vers le chemin étroit qui nous mènera à La Rencontre. La poche des eaux sera rompue et nous trouverons notre vraie sécurité dans les bras du Père.
Pour la petite anecdote, ma fille s’appelle Éléanore Joy. Éléanore, qui peut signifier « apaiser une souffrance » ou « lumière », et Joy, qui signifie « joie ». Finalement, ce passage, c’est un peu comme si le bébé, ou nous-mêmes, « creusions plus profond » pour atteindre la Lumière et la Joie. C’est le chemin vers plus de maturité et de plénitude.
Laisser glisser : trouver la Paix
Quand nous lâchons nos blessures, nos peurs, et ce besoin de contrôle, alors nous nous ouvrons à ce que Dieu a préparé pour nous. Ce n’est pas facile, et je ne prétends pas avoir tout compris. Il y a encore des domaines dans ma vie où je sens bien que je tiens encore, où je contrôle, où je lutte. Mais lorsque je regarde en arrière, je vois les moments où j’ai lâché prise, et je vois la grâce qui en a découlé. Cela m’encourage à persévérer.
Lâcher prise, c’est accepter que certaines choses nous échappent et que c’est dans cet abandon que nous trouvons la vraie Vie.
Lorsque parfois je me sens à nouveau submergée, je m’allonge et je respire. Quand je me laisse glisser dans les profondeurs, en Lui, dans le fond de mon intériorité, ne cherchant rien d’autre que Sa Présence, sans essayer de recevoir des réponses à mes questions (sinon je suis encore dans le contrôle), je (re)trouve Sa Paix.
« Mourir pour renaître », c’est une transformation que l’on ne peut atteindre qu’en renonçant à soi-même. C’est cesser de lutter pour enfin respirer. C’est cesser de retenir pour enfin vivre.
Merci Claire.
David
Merci aussi, David !